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 LE CHEMIN DE ECOLIERS

 

Chanson 1 : Mourir pour des idées Page 1

Chanson 2 : La fille à cent sous Page 2

Chanson3 : Don Juan Page 1

 


La fille à cent sous

(1962)

Introduction

Petite bluette d'apparence anodine, mais très révélatrice. Sur un rythme enlevé, souligné par la monté et descente d'une tierce mineure à chaque couplet, soutenu par la basse efficace de Pierre Nicolas, Brassens l'annonce comme une bonne blague avec son bruit de bouche très personnel (déjà utilisé pour "Corne d'Aurochs").

Otez le sentiment et l'humour, l'histoire sera sordide : un ivrogne achète sa femme à un compagnon de beuverie, la trouve trop maigre, elle pleure et il la garde quand même. Mais c'est du Brassens, c'est une fable pour faire passer ce qu'il nommait sa "petite philosophie".

Reprenons. L'auteur se dépeint comme un être immoral qui commet avec la complicité d'un plus immoral que lui un acte où la morale a été oubliée : il lui achète sa femme, qui plus est pour une somme dérisoire. On est bien dans l'amoralité des abrutis, des "braves gens" de la "Mauvaise Réputation", des "imbéciles heureux", pas dans l'immoralité organisée. Dans ce monde bas, la fille à cent sous n'est qu'une chose, elle n'a pas rang d'être humain.

La suite va redonner leur humanité à ces trois personnages. La fille insultée pleure. "C'est une larme au fond des yeux / Qui lui valut les cieux" ("L'assassinat"), puis, timidement, elle ose déclarer un penchant pour le lourdeau. Tout-à-coup l'amour va leur redonner leur dignité oubliée. Il lui demande son nom, son "petit nom de baptême", pas de ceux qu'on donne aux filles à vendre, a le geste affectueux de la prendre sur ses genoux, lui dit "je t'aime". "Les filles quand ça dit je t'aime / C'est comme un second baptême" ("Embrasse-les tous"). Les hommes aussi, pourquoi pas ?
Les voilà tous trois revenus à la vie. Tous trois, car le thème du ménage à trois avec amicale complicité envers le mari trompé est cher à Brassens.

Chez Brassens, les leçons de morale de donnent par l'humour. La chanson est drôle et on entend le chanteur rire derrière sa moustache. Il joue avec des mots excessifs ("immonde", "infâme", "squelette", "sac d'os"...) et nous donne en prime un une pirouette bien à lui : "...j'la pris sur mes genoux / Pour lui compter...". Ici, temps d'arrêt. L'auditeur a entendu l'homophone "conter", raconter une histoire... il va lui raconter une histoire... non ! Il va lui "Compter les côtes". Oui, il revient sur sa maigreur, mais, cette fois-ci, il ne la traite plus comme une marchandise, il reprend une expression populaire qui s'adresse à des personnes.

La répétition finale du premier couplet revient sur l'opposition entre la situation de misère morale du début et l'humanité retrouvée.

Sans rire et sans amour, pas d'humanité. C'est ce que Monsieur Brassens, une fois de plus, voulait démontrer.: 

 

 

Didier Agid